9 mai 2020 Aujourd'hui, on vous présente un programmateur de la scène alternative rock
Bernard Batzen à la carrière riche, diverse et surtout admirable, a pris le temps de raconter son parcours aux étudiants de l’IMM, de répondre à leurs questions et leur fournir de précieux conseils.
Travaillant dans le secteur de la musique depuis 55 ans maintenant, il souligne avec émotion avoir la chance de pouvoir vivre de sa passion depuis tout ce temps. De la production de concerts au management, à la programmation, à l’édition et à la production de disques, ou encore au métier de tour manager et même de disquaire, Bernard Batzen a su apprécier toucher à tout. Pour lui, il est important de connaître les différentes facettes du milieu dans lequel on évolue afin d’être plus juste dans ses projets.
DJ à ses débuts, il s’est très vite intégré au secteur de la musique par le biais du magasin de disques Bulle à Bordeaux, pour lequel il voyageait notamment jusqu’à Londres pour aller au-devant des nouveautés sur le marché. Il a ensuite été nommé programmateur de la scène alternative rock au Printemps de Bourges dix années de suite, lorsque le festival a exprimé le souhait de se diversifier dans les genres de musique proposés. On lui doit en particulier la venue de The Cure pour l’édition de 1982 ou encore U2 à leurs débuts en 1983.
Cette aventure lui a permis de participer à la création des Découvertes du Printemps de Bourges, devenus les Inouïs du Printemps de Bourges aujourd’hui. C’est un réseau qui a pour vocation de permettre des sélections de groupes émergents sur scène afin de valoriser les artistes sur l’ensemble du territoire français, élargi ensuite à plusieurs autres pays francophones. Via des associations et salles de spectacles locales qui sont devenues partenaires du festival, l’organisation de ces soirées de sélections à partir d’une prestation scénique est rapidement devenue une référence pour les jeunes artistes en quête d’audience et de reconnaissance dans le milieu. Après le Printemps de Bourges, c’est pour le Midem quelques années plus tard qu’il s’est investi en tant que directeur artistique.
Parallèlement à son expérience au sein du festival et de la convention, Bernard Batzen s’est essayé au management d’artistes, notamment avec La Mano Negra pendant plus de trois ans. Ayant apprécié l’expérience, il révèle aujourd’hui ne pas se fermer à l’idée de manager de nouveau dans les prochaines années si l’occasion se présente.
C’est dans la même période qu’il a créé sa propre société de production de spectacles, Programe, qui en s’associant à Geneviève Girard en 1994, est devenue Azimuth Productions. Aujourd’hui, Azimuth produit autour de 400 dates de spectacles par an. L’entreprise prône l’importance d’avoir des valeurs et une direction bien nette, tout en gardant la volonté de mettre en avant la diversité et l’ouverture, à l’aide de leur catalogue qui propose des artistes aux genres musicaux très variés.
Le producteur assure qu’il faut être prêt à voyager pour faire des découvertes et qu’il est essentiel de pouvoir voir les artistes auxquels on s’intéresse sur scène. Il ajoute qu’il est important dans sa carrière de tourner avec les artistes afin de mieux se rendre compte de la réalité du terrain, des besoins des groupes ainsi que des différences de services entre les nombreuses entreprises de production de spectacles. C’est ainsi qu’il s’est essayé au poste de régisseur pour Hubert-Félix Thiéfaine, mais aussi celui de tour manager. D’autre part, à l’orée d’une époque où des playlists de rap déterminent les line-ups de concerts, à l’instar de la récente soirée Spotify PVNCHLNRS ou encore de l’initiative RapCaviar aux États-Unis, il est intéressant de souligner que de tels concepts existaient déjà au travers de compilations. Bernard Batzen met ainsi en lumière son rôle en 1991 de producteur d’une des premières tournées de rap français avec IAM, Tonton David et Saliha à l’affiche, basée sur la compilation Rapattitude. Azimuth produit donc des dates uniques et des tournées, mais également des festivals, comme Les Méditerranéennes, un rendez-vous estival engagé qui a existé pendant près de 14 ans.
En 1995, il est apparu essentiel à Geneviève Girard et Bernard Batzen de créer leurs propres label et maison d’édition afin de pouvoir mener à bien certains projets qu’ils souhaitaient soutenir. C’est aujourd’hui une structure souple et très légère, qui sert selon leurs besoins, et est en mesure de garantir la synergie essentielle entre le disque et le spectacle qui permet de développer un artiste, que ce soit en termes de timing ou encore de message diffusé.
Parmi de nombreuses autres expériences, Bernard Batzen a également siégé au conseil d’administration du réseau de festivals Yourope pendant 10 ans. Faire partie de cette association créée en 1998 et qui regroupe aujourd’hui plus de 80 des plus grands festivals européens a été pour lui « une aventure passionnante » qui lui a permis de travailler à la création d’un contrat type entre les festivals et les grandes agences de booking. Le réseau s’implique également auprès des festivals dans les domaines de l’écologie, l’impact de ces derniers sur l’environnement ou encore de la sécurité des publics dans ces manifestations.
Ce parcours riche et varié permet aujourd’hui à Bernard Batzen de prendre du recul sur le secteur et de pouvoir affirmer que le métier s’est structuré au fil des années, avec entre autres la création du FCM, du Bureau Export, du Prodiss, des syndicats, ou encore de plusieurs organismes de formation. Pour lui, les risques sont moins individualisés de nos jours grâce aux nombreuses protections et aides qui existent désormais. La différence est également perceptible dans la relation avec les artistes : l’essor de l’autoproduction a permis plus d’autonomie et de connaissance du milieu pour ces derniers, ainsi qu’une plus grande reconnaissance du travail du producteur.
Pour Bernard Batzen, travailler dans le secteur de la musique est « un métier de montagnes russes, avec des hauts et des bas, où il faut savoir se remettre en question et être prêt à prendre des risques ». Il indique avoir vécu très tôt un premier échec lors de la production d’un festival, et conseille d’apprendre de ses erreurs, mais surtout de ne jamais se décourager suite à un tel évènement.
Bernard Batzen aime la découverte et le partage de celle-ci avec le public. Le plus gratifiant dans le métier d’après lui, c’est de démarrer un projet avec un artiste inconnu, et réussir à le faire reconnaître auprès du public avec l’aide de ses partenaires. Il termine en soulignant : « ce que j’adore, c’est rentrer dans une salle où joue un groupe inconnu et me dire "wahou" ! J’adore les petites salles et les découvertes ! », un sentiment partagé par la majorité des étudiants de la classe.
Merci à Bernard, à Jean-Louis, aux étudiants et notamment à Joséphine pour la rédaction de cet article.